Le simple fait de connaître la température de l'eau d'une rivière renseigne sur son état. En effet, la température de l'eau influe sur beaucoup d'autres paramètres. C'est le cas pour l'oxygène dissous dont la quantité diminue quand la température de l'eau s'accroit. La température de l'eau détermine aussi les plantes et les animaux qui peuvent s'y développer, dans la mesure où tout organisme aquatique a une gamme de température favorable. Il est donc primordial de détecter toute tendance d'évolution à long terme de la température des eaux, dans la perspective de l'évaluation de l'impact régional du changement climatique (élévation de la température de l'air) sur la qualité des eaux de surface aquitaines. La Gironde, l'estuaire commun de la Garonne et de la Dordogne fait l'objet d'observations récurrentes, notamment les suivis de surveillance associés à l'implantation de la Centrale de Blaye, et plus récemment le réseau MAGEST de suivi de la qualité des eaux depuis l'embouchure jusqu'à l'aval des fleuves. La variabilité saisonnière des températures de ces eaux de transition est conforme à un climat de type océanique aquitain avec des hivers doux et des étés chauds : en moyenne, les températures de l'eau sont les plus basses en février (7°C) et les plus élevées en juillet (24°C). Toutefois, les observations récurrentes dans l'estuaire amont ont révélé une augmentation de la température de l'eau, d'environ +1.9°C, entre 1978 et 2011 (Challali, 2013).
De surcroit, les projections climatiques pour la région Nouvelle Aquitaine prévoient une augmentation de nombre de jours de vagues de chaleur. L'inventaire des vagues de chaleur en France publié par Météo-France montre qu'il y en a eu 14 en 53 ans pour la période 1947-1999, et 9 en 16 ans pour la période 2000-2016. La canicule du 2 au 17 août 2003 est l'événement le plus intense que la France a connu depuis au moins 1947, mais à cette période il n'y avait pas encore d'enregistrement continu de la température dans la Garonne aval. La vague de chaleur du 18 au 22 juin 2017, remarquable par sa précocité et son intensité, permet toutefois d'illustrer l'impact de ces extrêmes climatiques sur la température des eaux. Elle s'est traduit par une augmentation rapide de la température des eaux. Le maximum atteint est de 27,8°C à Bordeaux et 29,8°C à Cadillac alors que les valeurs se situent habituellement autour de 22°C en juin. L'oxygénation des eaux a fortement diminuée pendant cet épisode, jusqu'à des valeurs inférieures à 3 mg L-1 (ce qui équivaut à une qualité médiocre) dans la Garonne aval. Outre une augmentation à long terme de la température, ces vagues de chaleur constituent donc des extrêmes climatiques très préoccupants au regard de la vulnérabilité des eaux de la Garonne aval face à la désoxygénation. Comprendre comment l'évolution de la température des eaux impactera la qualité des estuaires nord-aquitains et les écosystèmes aquatiques est une question d'importance, auquel s'attache le projet QUEtSCHE (UMR5805 EPOC Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux ; UMR7266 LIENSs ; IRSTEA Bordeaux).